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Zoom sur zoo

12 Février 2024 , Rédigé par Jean-Louis Bec Publié dans #Zoom sur zoo

Zoom sur zoo est intégralement publiée sous forme de carnet 25x20cm, 60p, texte d'introduction, 34 photographies dont 13 accompagnées de poèmes. Edition limitée, chaque ouvrage est numéroté.

Vous pouvez le commander en me contactant à l'adresse mail jlbec@orange.fr ou par les messageries de FaceBook (compte Jean-Louis Bec) ou d'Instagram (compte @becjeanlouis).

Zoom sur zoo appartient au quinzième groupe de séries. Est abordée la présence de l'animal dans la ville avec en particulier l'univers carcéral ou semi-carcéral des zoos. Vie surveillée, contrôlée, épaulée par la culture de la nécessité de la survie des espèces, la mise en avant de la notion de liberté perdue comme solution privilégiée pour contrebalancer celle, funeste et définitive, de la disparition.

Pour avoir une vision complète de la démarche suivie dans ce blog, se référer à la page Démarche dans la colonne de droite.

 

Le chemin serpente dans le bois et je le suis lentement, de plus en plus lentement. A l'intérieur, tout au fond comme en surface, dans les zones plus ou moins dissimulées de l'être, le combat a débuté. Aussitôt la porte franchie. Discussion interne envahissante, affrontement des forces, émotions, arguments aiguisés. La division profonde tranche et coupe, juge et sépare, trie. Il n'y a pas là d'idées et d'impressions erronées. Tout est vrai, tout est ressenti, tout est pensé, éprouvé. Ce n'est pas une lutte d'ailleurs, c'est une juxtaposition, un enchaînement.

Le premier arrivé entraîne le second, le premier stimule le second, le second renforce le premier et le mord cruellement.

Le premier vient de loin, l'enfance, la petite enfance même, des germes semés pendant l'enfance même si, bien sûr, il s'en est largement détaché depuis pour changer de caractère. Il est puissant, total, sans arrière-pensée, véridique, profondément honnête et généreux. Il entraîne sourire et désir de rencontrer, de connaître, d'adorer parfois. Il ne connait pas de manque, de rejet. Ils sont tous du bon côté même les moins accueillants. Il ne connait pas le dégoût, la peur irraisonnée, accepte toutes les formes, toutes les couleurs, quels que soient leur allure, leur nombre de pattes, leur profil, leurs attitudes. Il connait la bienveillance, une prudence respectueuse, un désir d'aider parfois, surtout un désir de laisser tranquille, d'accepter les particularités de leur vie quelles qu'elles soient.

Ce premier venu, c'est une affection profonde, un amour solidement arrimé pour l'ensemble des animaux. Tous les animaux, ceux rencontrés au fil des jours, à partir de l'enfance et au-delà, et puis, par extension, tous les autres, tous ceux que je n'ai même pas entr'aperçus. Ils sont nombreux et je souhaiterais, je souhaiterais... Mon désir de rencontre est insatiable, tonitruant. Il me faut, de l'exotisme, du polaire, de l'aquatique. J'imagine un univers dans sa réalité la plus vraie et la plus libre cerné de baleines, d'ours, de girafes et de criquets, d'oiseaux piailleurs et d'araignées voyageuses. Ce monde est dans ma tête, rotation d'images et de sons, de cris, de chants. Je le cherche, le recherche, sans me lasser.

Ce désir d'animaux, ce désir qui ne peut jamais se satisfaire, me pousse, me tire, vers les zoos. Quelques moments d'euphorie m'en font franchir les portes, m'emportent. Je vais voir, je vais les voir. Pourtant je sais que mon approche se limitera à une vision "statique". Je regarderai immobile et déçu des animaux enfermés et exhibés. 

Bien sûr je pourrais renoncer, reconnaître que ces visites ne sont pas satisfaisantes, qu'elles ne répondent pas à mon désir de connaître, d'observer, d'apprécier, d'être passionné par ce que j'éprouve par l'ensemble des sens et des pensées. Je pourrais refuser d'entrée pour cause de frustration programmée, incontournable. Pourtant je cède.

Car au-delà de la vision seule demeure la présence des animaux, le sentiment de se tenir quand même à proximité d'êtres dont pas une parcelle de chair, de mouvements, d'expressions, ne m'indiffère. Leur présence est une force qui me bouleverse. J'en ressens les pulsations, les frissons, les respirations. Ils portent la vie, la longue histoire des êtres, les profils de la Terre, la densité de la masse vivante en lutte. L'animal vu et uniquement vu au zoo dans sa plus extrême simplicité me soulève tout de même par sa présence forte, le don de son image puissante, signifiante, stimulante, qui m'entraîne au-delà même de ce que je vois, dans le monde du tout sensible, du perceptif, vers un renforcement sensitif et affectif de mes liens avec toutes les créatures.

Ce sentiment franchirait bien des limites dans son intensité, sa densité, sa signification, son devenir même, si "le second" ne s'y opposait pas. Il naît du "premier", progresse et croit après lui, avec lui. Il apparaît quand ce sentiment de faire un avec le monde des animaux génère cette onde d'empathie qui, derrière leur présence, me ramène à leur vision liée cette fois à la constatation de leurs conditions de vie. Ce "second" c'est la tristesse, la peine, la colère.

Car ce qui se trouve sous mon regard n'a finalement que peu de choses communes avec les animaux. Ce sont des êtres enfermés, entravés, simplifiés. Des caricatures d'animaux, des images finalement. Le corps est visible, mais l'animal, bien que vivant, apparaît empaillé. Ce qu'il présente se limite à une forme, une structure corporelle avec l'ensemble de sa peau, ses cornes ou bien ses crocs, ses plumes ou ses écailles. C'est une forme vivante mais vide. Il est nourri, soigné, dépoussiéré en quelque sorte. Un objet dont on prend soin.

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