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Copains comme cochons

3 Janvier 2025 , Rédigé par Jean-Louis Bec Publié dans #Copains comme cochons

Mais globalement le cochon reste un animal trop facilement torturé.  La raison évidente de ceci, nous en avons parlé, tient à l'ensemble de quelques propriétés propres à son organisme comme une croissance rapide, une nourriture de bas de gamme pour l'assurer et le goût de sa viande fortement appréciée. Mais, dans notre société, en parallèle de cet élevage, s'est développé à son encontre un ensemble de représentations négatives qui dérivent, et c'est là l'ironie de la chose, non de sa nature, de ses qualités (terme pris au sens le plus objectif du terme) mais des conditions dans lesquelles il est maintenu en détention. Le cochon est souvent parqué dans des aires minuscules, laissé dans ses propres excréments.

Si à l'état sauvage ou bien soigné il apprécie dans certaines conditions les bains de boue qui sont pour lui une façon de nettoyer sa peau des parasites, il n'y a, logiquement, aucun rapprochement à faire entre la boue et les excréments. Cette confusion, les humains l'ont-ils faite ? L'ont-ils faite volontairement ? Les bains de boue ont-ils servi d'alibi à l'absence de nettoyage des cellules ? La boue, les excréments, sont-ils ainsi devenus une même saleté pour les humains, une saleté du même type ou bien l'absence de considération pour l'animal-machine est-elle seule responsable de l'état des enclos ?

Que ce soit l'un ou l'autre et sûrement les deux à la fois, ceci débouche sur la construction de représentations négatives pour le cochon : il est un animal sale. Un terme fort qui permet en retour de justifier le fait qu'il soit laissé dans ses déjections sans aucun doute, aucune culpabilité.

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Copains comme cochons

3 Janvier 2025 , Rédigé par Jean-Louis Bec Publié dans #Copains comme cochons

La boucle se boucle pour le cochon. Parqué dans des conditions déplorables ce fait permet de le nommer, de le qualifier, d'en faire le représentant idéal du concept de la créature sale. Avec tout ce que ce terme comporte de connotations pour nous les humains. Car "sale" en dehors de tout ce qui peut être jugé physiquement comme tel comprend aussi tout ce qui peut être réprimandé sur le plan moral. Il y a dans le concept de "sale" un lien très fort entre les deux qui permet de disqualifier le cochon encore un peu plus. Physiquement identifié comme "sale" il est par glissement moralement "sale" et donc  possède en lui une culpabilité endémique qui justifie aussi les mauvais traitements qu'il subit. Moralement coupable il est donc punissable au premier degré. Ainsi l'animal est totalement assiégé par le concept de la "saleté". Celui-ci justifie tout, explique tout, innocente toute cruauté. Pour le punir de sa nature il est condamné à patauger dans ses excréments. La boucle est bouclée et n'est pas prête à se défaire.

Sale donc. Le cochon porte sur son dos, par extension du concept,  tout ce que la morale humaine de notre société réprouve, condamne, bannit. Tout ce qui est rejeté par les codes civil ou religieux. La grossièreté dans l'expression, dans la tenue à table, dans la voracité, dans la gourmandise. La saleté dans l'égoïsme, l'ignorance, dans l'avidité, dans la sexualité et la luxure que ce soit en pensée ou en action. Tout ce qui est jugé déviant est qualifié de sale et se grave profondément sur la peau du cochon.  Dans le Dictionnaire des symboles (Robert Laffont, 1982) Jean Chevalier et Alain Gheerbrant qui ont répertorié les différents types de représentations reliées au cochon suivant les âges et les parties du monde concluent qu'il est très généralement le symbole des tendances obscures, sous toutes leurs formes.

Ils signalent toutefois certaines civilisations qui ont attribué au cochon des valeurs positives : Ainsi " En raison de son apparence prospère qu’ils apprécient fort, les Sino-vietnamiens font du porc un symbole d’abondance ; la truie accompagnée de ses petits ajoute à la même idée, celle de postérité nombreuse. Chez les Egyptiens, également, malgré les interdits qui pesaient sur les porcs et les porchers, Nout, déesse du ciel et mère éternelle des astres, figurait sur des amulettes sous les traits d’une truie allaitant sa portée".

"Il est aussi l’animal-ancêtre fondateur d’une des quatre classes de la société mélanésienne".

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Copains comme cochons

3 Janvier 2025 , Rédigé par Jean-Louis Bec Publié dans #Copains comme cochons

Si je trouve réconfortant ce dernier constat enfin valorisant pour l'animal, je note qu'il ne laisse finalement presque aucun peuple indifférent. Depuis les premiers temps de sa domestication il s'est réalisé des rapprochements entre le cochon et l'homme, des identifications, des projections trop souvent négative au dépens de l'animal. Projections qui sont encore trop présentes aujourd'hui. Par exemple, si le mouvement pour dénoncer et lutter contre le viol et les agressions sexuelles est grandement justifié dans ses objectifs, il est regrettable et injuste que la perversité sexuelle révélée face fortement référence au comportement du cochon au point de citer l'animal dans son nom : balance ton porc.

En considérant tout ceci, l'histoire du cochon et de ses représentations, positives et négatives j'ai déterminé une liste d'adjectifs qualificatifs. S'ils prétendent essentiellement le caractériser, c'est bien de l'homme dont il s'agit à travers la courte description poétique qui suit chacun d'eux. Je renvoie donc, par esprit d'honnêteté et de justice, les mauvaises réputations, qui sont bien présentes dans notre société, vers ceux qui les ont promulguées.

 

Gourmand. Sa grande bouche tourne savamment autour de ses dents pointues et rieuses. La langue pique et repique tout désir de grande saveur  en de petits claquements.

Goinfre. La quille de sa tête pourfend la nourriture, écume par vagues entières. Les mâchoires se tendent dans le flot tempétueux des craquements et des déchirements.

Jouisseur. Une chair rosée goutte de son cerveau. Des dentelles riantes papillonnent dans le bourdonnement de son œil. D’une lèvre humide, il adhère béat à la douce rondeur du monde.

Paillard. Le gosier débraillé, il file dans l’entre-deux. Il jette en avant un cri épais et rouge, dérape l’arme à la main et le verbe brandi.

Egoïste. Une épaisseur de vue le pose rutilant devant ses yeux. Un trou noir dans le torse tire la langue et mange cru. Les ongles poussent vers les déchirures.

Ignorant. Ses phrases flétries s’évaporent sans soleil et la fermeture des livres ventile son esprit. Un néant lui parle et le suit sans relâcher sa laisse.

Sale. Il fait le pont entre les taches, les réunit boue à boue, façonne alors ses pensées.

Méchant. Ses morsures abandonnées sautent encore de proche en proche. Son jardin cultive savamment de grandes cisailles à dire et à faire.

Sensuel. Il frissonne des doigts, les cinq sens délicatement posés sur leurs cinq sommets tout palpitants de pulpe.

mais aussi, heureusement, dans d'autres civilisations que la nôtre :

Généreux. De rencontre en rencontre il déborde et souffle cette douce chaleur qui porte et qui soulève, qui nourrit ou féconde.

Prospère. Il flotte, balancé par sa bouée parfaitement réussie, à l’aise dans la largeur dorée de son sourire.

Inventeur. Il feuillette des pans de lumière, en extrait des éclairs percutants. Leurs pointes fumantes tracent déjà les nouvelles courses du monde.

Initiateur. Une graine lui renvoie son image. Tous les germes sont là et sa tête creuse l'obscur pour allumer l'amorce de chacun d'eux.

Immortel. Il s'élance et saisit le futur à pleins bras, lui pose un rire sur les lèvres. Ils courent tous deux sur le temps, cernés des progénitures à venir.

Fondateur. Il est inventeur de toutes routes, traits aux lignées parallèles qui se déroulent à ses pieds.

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Copains comme cochons

3 Janvier 2025 , Rédigé par Jean-Louis Bec Publié dans #Copains comme cochons

Mais revenons à notre société, au statut qu'elle accorde au cochon. Lutter contre cela est le but des photographies présentées ici. Détruire la représentation de l'animal-machine à viande pour restituer à l'animal ses qualités propres, ses émotions, ses astuces. Lui rendre sa véritable image d'être vivant, le voir enfin gai, triste, doux, timide, coléreux, agressif, tranquille, joueur, gourmand... loin des enclos sordides, loin des parcs orchestrés par la mort la plus affreuse. C'est cette résurrection, cette reconnaissance honnête de leur caractère que cherchent à montrer les photographies. Une réhabilitation pour qu'on le considère enfin comme un animal sensible, expressif, vivant à travers ses regards, ses mimiques, ses mouvements. Que de nouveaux liens soient révélés possibles entre le cochon et l'homme.

Surtout ne pas voir dans cette tentative d'"animaliser" ou mieux de "désobjectifier" le cochon par quelques adjectifs et quelques images, une projection purement anthropomorphique. Comme je l'ai rapidement signalé en début de texte, cet animal a été le sujet d'études éthologiques sérieuses qui ont décrit de nombreux comportements. Comparés à d'autres espèces animales telle que le chien par exemple, il a été jugé intelligent, capable d'empathie envers ses proches avec qui il est très soudé affectivement. Il se révèle altruiste pour délivrer un congénère tombé dans un piège, possède une bonne mémoire et une bonne orientation spatiale, parvient à utiliser des outils  tels des bâtons pour creuser un nid. Il passe également le test du miroir et a donc conscience de ce qu'il est et se montre capable de trouver de la nourriture grâce au reflet. Le cochon apprécie les stimulations mentales, aime se dépenser, résoudre des problèmes quand on lui propose des exercices avec jouets  (David Durand in Nos préjugés envers les animaux, psychologie et éthologie, humenSciences, 2024) 

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Copains comme cochons

3 Janvier 2025 , Rédigé par Jean-Louis Bec Publié dans #Copains comme cochons

Quand donc notre société rendra-t-elle leur dignité aux cochons ? Quand donc reconnaitra-t-elle leurs qualités, leur finesse animale, leur statut d'êtres vivants sensibles ? Quand donc abandonnera-t-elle sa vision anthropocentrique pour procéder à sa réhabilitation, faire évoluer dans le sens positif ses représentations, abandonner son objectification qui justifie hypocritement la cruauté qui l'accompagne ? Quand donc développera-t-elle cette empathie nécessaire à la considération de l'animal,  à la reconnaissance et au respect de ses systèmes émotionnels ? Si bien sûr tout animal a droit au respect et l'évitement de toute souffrance par les Hommes, on pourrait s'attendre à ce que le cochon, compte tenu de ses potentialités, puisse d'autant mieux susciter de la sympathie, de l'empathie. Il y a avec lui comme avec des animaux tels le chien ou le chat une proximité relationnelle à développer, une entente, des liens forts à établir, une complicité à construire. La distance phylogénétique entre les deux espèces, celle de l'Homme et celle du cochon, peu importante si l'on considère la grande diversité de l'ensemble des espèces animales, permet cela. Alors qu'attend-on ? 

Les questions restent posées. Si parfois des réponses encourageantes émergent elles demeurent souvent embryonnaires. Tout travail sur les représentations, surtout quand elles sont très anciennes, est long, couteux en énergie, en volonté, se heurte à des réticences, des moqueries, des menaces. Toucher aux représentations revient à forer des fissures dans la société, à tenter des déstabilisations partielles, des révolutions ponctuelles. Si ce travail aboutit dans sa finalité à remettre en question un système d'exploitation animale, il trouve sur sa route quantité de freins et d'obstacles. Chantage à l'emploi, à la destruction présumée des élevages, à l'effondrement soit disant incontournable de l'économie de la filière. Arguments bien huilés du monde cruel et sans scrupules, méprisants pour l'animal comme pour l'humain. La rentabilité économique construite sur le mépris et la cruauté envers le vivant, demeure en effet une des lies tenaces de notre société.

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