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La série La constance de l'éphémère appartient au treizième groupe. Celui-ci renvoie la ville et les citadins à leurs histoires, à l'Histoire. Monuments, constructions historiques et hommes éphémères se rencontrent et vivent au contact les uns des autres à travers le temps.
Pour avoir une vision complète de la démarche suivie dans ce blog, se référer à la page DEMARCHE dans la colonne de droite.
La constance de l'éphémère est intégralement publiée sous forme de carnet 25x20cm, 56p, texte d'introduction, deux textes centraux, 35 photographies. Edition limitée, chaque ouvrage est numéroté.
Vous pouvez le commander en me contactant à l'adresse mail jlbec@orange.fr ou par les messageries de FaceBook (compte Jean-Louis Bec) ou d'Instagram (compte @becjeanlouis).
La constance de l'éphémère
Les photographies (2019 et 2021), les cartes postales anciennes (de 1900 à 1960) et les collages réalisés entre les deux, représentent la page d'Ault ou la grande digne située au nord de cette plage.
Les cartes postales anciennes ont été trouvées chez des bouquinistes. Certaines de leurs représentations proviennent de l'ouvrage de Jean Monborgne, Histoire du bourg d'Ault. Luneray: Editions Bertout, 1989.
La constance de l'éphémère (court extrait de la série photographique et du texte d'introduction dont seul le début est présent sur le blog. Le développement sur la rencontre avec les êtres des époques disparues n'est pas publié ici).
Au sommet du regard les museaux haletants de la mer allongée, étirée jusqu'à la fuite de l'horizon. La mer, ses assoupissements, ses retraits dans ses antres et ses repères, ses avancées aussi, ses roulements vers la côte, les plages, les falaises. Les hommes qu'elle berce, blesse, contente ou meurtrit. Une inconstance qui interroge, suscite l'engouement et la méfiance. Un engouement qui construit, élève à côté d'elle habitations et lieux de distractions, une méfiance qui renforce, se mure, pousse face à elle béton et protections. L'un et l'autre associés, parfois en contradiction, parfois s'échelonnant dans le temps, la seconde épaulant, consolidant la première.
La mer souvent généreuse a parfois des marées de colère noire, une hargne terrible, cruelle et vengeresse d'une adoration, d'une allégeance qui ce serait effritée. Quand elle frappe elle choisit la base, les racines, mord les falaises et les murs aux pieds, ébranle, noie, broie le travail des hommes, la joie et le plaisir des hommes dans leurs fondements les plus profonds. Leurs cerveaux de sable alors, dispersés, battus et rebattus, errants dans leurs pensées détruites, leurs espoirs disloqués aussitôt bus par la marée. Sa rage soudain affaiblie, la mer se détourne, se retire, ses vagues poussées ailleurs ou bien endormies.
Les hommes, eux, se réveillent longtemps après, pour rassembler et mettre en ordre tout ce qui surnage en eux. Pour reconstruire, se reconstruire une nouvelle fois, obstinément, différemment. Une nouvelle fois ils sont vaillants, heureux de vivre, de faire mieux que survivre. Même s'ils gardent, face à la mer, cette méfiance élémentaire, cette crainte instinctive, ce sentiment profond d'une limite infranchissable qui ne leur permettra jamais de la cerner pleinement. Se tenir à ses côtés, être baigné dans le grandiose de sa générosité ou de sa fureur, c'est cela la vie des hommes.
Sur la plage des restes, des moignons, des jetées anciennes démembrées, des blocs de pierre ou de béton emmêlés, rongés, émiettés comme des os dont on a perdu les origines. Tout un cimetière de traces évoquant les luttes épisodiques avec la mer auxquelles s'ajoute les effets de la décortication lente, l'usure obsessionnelle du temps qui ronge. La mer, le temps, liés solidement par leurs ondes ; la mer au temps liquide dont la flèche déferle. La mer, le temps, dans une même peau, dans une même eau, un immuable qui court vers et dans chaque point, chaque unité élémentaire de la côte, chaque cristal mais aussi chaque geste, chaque pensée formulée dans un coin de cerveau. (...)