venue d'un visage 2
Venue d'un visage (2)
La série Venue d'un visage 2, dont est présenté ici un large extrait, reprend à son compte certaines images de la série Venue d'un visage effectuée durant un court voyage berlinois en juillet 2011. Pour retrouver cette première série, en découvrir la démarche, le texte d'introduction et les photographies, cliquez sur le lien ci-dessous.
venue d'un visage - Images Prises Aux Mots
La série Venue d'un visage appartient au douzième groupe de séries. Si ce groupe ne néglige pas l'approche personnelle, intimiste même, il s'intéresse en premier lieu aux personnes présentes...
http://jeanlouisbec.over-blog.com/tag/venue%20d%27un%20visage/
Dans la première série des photos berlinoises, les photographies étaient associées en diptyques de façon à créer des scènes fictives mais représentatives de la ville et de ses citadins, tout en faisant naître parallèlement le récit d'une vision urbaine personnelle. Cette série a été nommée Venue d'un visage en référence au visage de la ville.
Cette seconde série porte le même titre mais s'appuie sur la venue du visage d'une personne qui, d'abord aimée, s'éloigne ensuite sans retour. Chaque photo est ici accompagnée d'un texte court. Le texte, né de la lecture de l'image, tente de dire quelque chose à son sujet, lui emprunte des éléments visuels, émotionnels. Pourtant, chaque texte n'est pas totalement né, issu de l'image. La lecture donc l'interprétation d'une photographie reste profondément subjective ; elle s'appuie généralement aussi sur des éléments psychiques déjà en place de façon active au moment de la lecture des signes de l'image. Lecture orientée donc. Peut-on alors faire dire ce qu'on souhaite à une image, principalement sur le plan émotionnel ? On ne perçoit bien que ce qu'on veut bien percevoir, que ce qu'on est prêt à percevoir ; on n'interprète que ce qu'on veut bien interpréter.
Après avoir écrit une quarantaine de textes d'après un nombre équivalent de photographies, je me suis rendu compte qu'en lisant ces derniers d'une seule traite, il suffisait d'en changer l'ordre et de rajouter quelques mots par-ci par-là, par exemple faire apparaître un "je" ou un "tu", pour faire surgir une histoire, du moins un semblant d'histoire cohérente. Ainsi, les textes que j'avais écrits photo après photo de façon discontinue dans le temps puisait, sans que j'en ai eu réellement conscience, tous à la même source pour, à quelques exceptions près, construire l'ébauche d'une histoire d'amour. La lecture des images avait donc bien été influencée par des éléments personnels à moitié vécus, à moitié fictifs, mais assez forts, assez présents en mémoire, assez stimulants pour l'imagination pour qu'ils se posent sur les photos berlinoises et imposent de les commenter à leur guise. Je peux même avancer, a posteriori, que ces éléments là flottaient déjà à la surface de mon esprit au moment déterminant du choix des photos impliquées ultérieurement dans l'écriture... Les liens entre les images et les mots étaient, sans aucun doute, déjà présents avant de naître.
Venue d'un visage (2)
C'est dans la rue, bronche souvent encombrée d'un poumon trop étroit, où tous se suivent, se croisent, où les regards sont portés au pas de charge, où les gestes nagent, se coulent en foule, où tous les passages sédimentent, s'effacent, dans une compression du temps toujours réamorcée, que flottent aussi des accrochages tendres, des liens qui s'aimantent, frottements, flottements des pensées d'altitude. Loin des éloignements qui aspirent le vide, des paroles aiguisées au fer d'une bave toxique, de l'asphalte collante de l'indifférence noire, le suivi de parallèles obtuses et mécaniques, toutes les vitres dures bien martelées autour des sans-coeur, des sans-vue... La rue, une bronche encombrée par le trop plein et le trop vide des rencontres possibles.
Tous les jours je cueille dans les éclats de la vitre quelques morceaux du puzzle des paysages décousus ou déchirés par la ville. Tous les jours je les maintiens là, contre moi, comme des voiles minces où mon regard s'égare. Et tous les jours je cueille, recueille, dans les éclats de la vitre, des fragments de ce visage espéré que ma nuit seule sait assembler depuis longtemps.
Venue d'un visage (2)
C'est un coin vert de la ville où croissent des mains ouvertes, où la lumière boit, se donne, ondes liantes où s'invitent, dans chaque bribe d'espace, des corps, des coeurs déverrouillés. Des têtes aussi, ces premières arrivées et souvent dernières à folâtrer y volettent lumineusement.
Un jour de soleil souterrain, de jaune lumineux et de coque de fer vibrante jusqu'à frôler l'éclosion, un jour où les voix s'évaporent tout autour, que mes visions s'emparent de leurs restes pour dresser la silhouette d'une éblouissante errance, la lecture soudaine, nette, clairvoyante, du possible essentiel d'une rencontre.
Venue d'un visage (2)
Le hasard tire ses fils, joue de leurs vibrations souterraines, renvoie par-ci par-là une chanson du bout des lèvres. Sur chaque bout de trottoir je frôle parfois sans le vouloir vraiment le souffle chaud d'une chevelure voyageuse.
J'ouvre, aime, respire. Plus rien ne contredit la présence enivrante du plan large, du flou bouillonnant où marche le chemin dans la prégnance des courses solaires. Et je prends de face une grande part de l'étoile et son lointain, ma bouteille à la mer en fond de poche, pleine jusqu'au point aveugle de songes dérivants.
Venue d'un visage (2)
L'effet papillon. Moi, le papillon en prise avec l'effet, elle et ses virgules d'apparence suspendues comme cils. Deux aiguilles me piquent, ligotent mes ailes, libèrent mes ailes, m'épinglent comme ailes, me couvent comme ailes. La forme est au fond un fond qui se sait forme.
Sur les multiples visages de la ville, les rouges pâles des joues demeure bien paisibles face à tout ce qui joue, se joue sur la courbe sanguine de tes lèvres.