Copains comme cochons
La boucle se boucle pour le cochon. Parqué dans des conditions déplorables ce fait permet de le nommer, de le qualifier, d'en faire le représentant idéal du concept de la créature sale. Avec tout ce que ce terme comporte de connotations pour nous les humains. Car "sale", en dehors de tout ce qui peut être jugé physiquement comme tel, comprend aussi tout ce qui peut être réprimandé sur le plan moral. Il y a dans le concept de "sale" un lien très fort entre les deux qui permet de disqualifier le cochon encore un peu plus. Physiquement identifié comme "sale" il est par glissement moralement "sale" et donc possède en lui une culpabilité endémique qui justifie aussi les mauvais traitements qu'il subit. Moralement coupable il est donc punissable au premier degré. Ainsi l'animal est totalement assiégé par le concept de la "saleté". Celui-ci justifie tout, explique tout, innocente toute cruauté. Pour le punir de sa nature il est condamné, entre autres, à patauger dans ses excréments.
Sale donc. Le cochon porte sur son dos, par extension du concept, tout ce que la morale humaine de notre société réprouve, condamne, bannit. Tout ce qui est rejeté par les codes civils ou religieux. La grossièreté dans l'expression, dans la tenue à table, dans la voracité, dans la gourmandise. La saleté dans l'égoïsme, l'ignorance, dans l'avidité, dans la sexualité et la luxure que ce soit en pensée ou en action. Tout ce qui est jugé déviant est qualifié de sale et se grave profondément sur la peau du cochon. Dans le Dictionnaire des symboles (Robert Laffont, 1982) Jean Chevalier et Alain Gheerbrant qui ont répertorié les différents types de représentations reliées au cochon suivant les âges et les parties du monde concluent qu'il est très généralement le symbole des tendances obscures, sous toutes leurs formes.
Ils signalent toutefois certaines civilisations qui ont attribué au cochon des valeurs positives : Ainsi " En raison de son apparence prospère qu’ils apprécient fort, les Sino-vietnamiens font du porc un symbole d’abondance ; la truie accompagnée de ses petits ajoute à la même idée, celle de postérité nombreuse. Chez les Egyptiens, également, malgré les interdits qui pesaient sur les porcs et les porchers, Nout, déesse du ciel et mère éternelle des astres, figurait sur des amulettes sous les traits d’une truie allaitant sa portée".
"Il est aussi l’animal-ancêtre fondateur d’une des quatre classes de la société mélanésienne".