Copains comme cochons
Si je trouve réconfortant ce dernier constat enfin valorisant pour l'animal, je note qu'il ne laisse finalement presque aucun peuple indifférent. Depuis les premiers temps de sa domestication il s'est réalisé des rapprochements entre le cochon et l'homme, des identifications, des projections trop souvent négative au dépens de l'animal. Projections qui sont encore trop présentes aujourd'hui. Par exemple, si le mouvement pour dénoncer et lutter contre le viol et les agressions sexuelles est grandement justifié et louable dans ses objectifs, il est regrettable et injuste que la perversité sexuelle révélée face fortement référence au comportement du cochon au point de citer l'animal dans son nom : balance ton porc.
En considérant tout ceci, l'histoire du cochon et de ses représentations, positives et négatives j'ai déterminé une liste d'adjectifs qualificatifs. S'ils prétendent essentiellement le caractériser, c'est bien de l'Homme dont il s'agit à travers la courte description poétique qui suit chacun d'eux. Je renvoie donc, par esprit d'honnêteté et de justice, les mauvaises réputations, qui sont bien présentes dans notre société, vers ceux qui les ont promulguées.
Gourmand. Sa grande bouche tourne savamment autour de ses dents pointues et rieuses. La langue pique et repique tout désir de grande saveur en de petits claquements.
Goinfre. La quille de sa tête pourfend la nourriture, écume par vagues entières. Les mâchoires se tendent dans le flot tempétueux des craquements et des déchirements.
Jouisseur. Une chair rosée goutte de son cerveau. Des dentelles riantes papillonnent dans le bourdonnement de son œil. D’une lèvre humide, il adhère béat à la douce rondeur du monde.
Paillard. Le gosier débraillé, il file dans l’entre-deux. Il jette en avant un cri épais et rouge, dérape l’arme à la main et le verbe brandi.
Egoïste. Une épaisseur de vue le pose rutilant devant ses yeux. Un trou noir dans le torse tire la langue et mange cru. Les ongles poussent vers les déchirures.
Ignorant. Ses phrases flétries s’évaporent sans soleil et la fermeture des livres ventile son esprit. Un néant lui parle et le suit sans relâcher sa laisse.
Sale. Il fait le pont entre les taches, les réunit boue à boue, façonne alors ses pensées.
Méchant. Ses morsures abandonnées sautent encore de proche en proche. Son jardin cultive savamment de grandes cisailles à dire et à faire.
Sensuel. Il frissonne des doigts, les cinq sens délicatement posés sur leurs cinq sommets tout palpitants de pulpe.
Mais aussi, heureusement, dans d'autres civilisations que la nôtre :
Généreux. De rencontre en rencontre il déborde et souffle cette douce chaleur qui porte et qui soulève, qui nourrit ou féconde.
Prospère. Il flotte, balancé par sa bouée parfaitement réussie, à l’aise dans la largeur dorée de son sourire.
Inventeur. Il feuillette des pans de lumière, en extrait des éclairs percutants. Leurs pointes fumantes tracent déjà les nouvelles courses du monde.
Initiateur. Une graine lui renvoie son image. Tous les germes sont là et sa tête creuse l'obscur pour allumer l'amorce de chacun d'eux.
Immortel. Il s'élance et saisit le futur à pleins bras, lui pose un rire sur les lèvres. Ils courent tous deux sur le temps, cernés des progénitures à venir.
Fondateur. Il est inventeur de toutes routes, traits aux lignées parallèles qui se déroulent à ses pieds.