La mécanique des arbres
La série La mécanique des arbres appartient au dixième groupe. Celui-ci aborde la présence de l'arbre dans la ville. Comment s'y trouve-t-il? Quelle relation établit-il avec son environnement urbain? Est-il agressé en permanence, est-il agressif et destructeur, trouve-t-il une harmonie de paix et d'esthétique? Et s'il doit lutter pour exister, comment s'y prend-il pour adresser aux Hommes un message d'existence? C'est le sujet de la série La mécanique des arbres.
Pour avoir une vision complète de la démarche suivie dans ce blog, se référer à la page DEMARCHE dans la colonne de droite.
La mécanique des arbres est intégralement publiée sous forme de carnet 25x20cm, 44p, texte d'introduction et 11 poèmes, 18 photographies, 15 euros. Edition limitée, chaque ouvrage est numéroté.
Vous pouvez le commander en me contactant à l'adresse mail jlbec@orange.fr ou par les messageries de FaceBook (compte Jean-Louis Bec) ou d'Instagram (compte @becjeanlouis).
La mécanique des arbres (extraits du texte et de la série photographique)
En quelques pas, la rue s'écoule toute droite, messagère du pont au rond point. Sur le bord, des maisons, cimentées dans leur passivité, leur immobilité. Elles le savent, la ville compte sur elles, recompte sans fin leurs alignements d’épaules. La vie leur passe sous le nez, circule à leurs pieds sans aucune allégeance ; circulation bifide qui parle, ronronne, s’égrène en véhicules. C’est une rue qui roule menant ses deux trottoirs en marche ; des trottoirs qui déroulent des jambes et des passages, des flaques des fissures, des effondrements, des soulèvements. Géologie urbaine, intériorité des villes à fleur de peau, quelques fleurs aussi parfois, des arbres.
Des arbres. En lignes, comme au dortoir, pieds cerclés de fer. Ils ne se touchent pas. Des arbres construits dans la froideur des pierres, la froideur des plans. Comme bâtis l’un après l’autre à coup de bétonnière. Les troncs, objets urbains à hauteur d’homme, charpentes sûres des regards, gardiens de l’espace structuré, antidotes silencieux du vertige, de la grandeur et de la respiration.
Mais là haut... Là haut. La perte des villes naît de la finitude des toits, des murs et des brouhahas, dans le voile brumeux des cheminées ou du brouillard d’hiver, dans la lumière évadée des profondeurs des rues ou celle naissante du soleil. La hauteur est sauvage, profuse, mouvementée et emmêlée. Les branches conversent dans une fonte d’écorce. Là haut, la lumière mène le bal, d’un coup de vent, d’un coup de vie, laisse entrevoir le tourbillon envolé, les biffures du ciel dressées sur leurs bourgeons. Il y a par-dessus les toits une puissance claire où séjourne la sève en de longs fouets agités, la volonté rare d’une survie réelle, un geste de liberté qui se mêle de tout. Il y a aussi une grandeur démesurée, abstraite, une force profondément sensible et volontaire qui impressionne et emporte.
Alors surveillez, encadrez, enfermez, mutilez, taillez, les arbres sont là, seront là, bien présents, ailleurs, dans l’air et son souffle, dans les couleurs et leurs formes. Ils sont et seront présents au-delà de toute présence, vivants au-delà de toute vie; des vivants de l‘ombre, vivaces, tenaces, irréductibles, des créatures de l’azur portés par la lumière. Maîtrisez, ils résistent déjà. Effacez, ils resurgissent déjà.
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Je me tiens là, face au film qui se déroule, me déroule aussi, face aux images, leur univers de souffle, de phrases, de songes et de passé, de réponses entrevues. Le miroir est tendu par-dessus leurs histoires. Les arbres gardent au-delà de leur lutte cette profondeur des origines qui interpelle sans contraindre.
En fond, les textes vont et viennent. Leurs racines appartiennent aux images. Les mots naissent du trait, du reflet, de la matière, restent liés à eux dans la combinaison et l’entrelacement des signes. Pour dire, tenter de dire, la lutte, le doute, l’onirisme latent, la puissance et la fragilité des arbres mais aussi mon adhésion à leur élan, la reconnaissance en moi de leur puissance ancestrale et du chemin sur lequel ils me mènent. Dissociez les textes et les images, et l’ensemble tombe, s’écroule. Les arbres n’existent plus, ravalent leur portrait, leur souhait, leur combat. Tout se disloque, s’évapore. Les troncs se décharnent, le songe n’est plus.