Venue d'un visage (2)
Le hasard tire ses fils, joue de leurs vibrations souterraines, renvoie par-ci par-là une chanson du bout des lèvres. Sur chaque bout de trottoir je frôle parfois sans le vouloir vraiment le souffle chaud d'une chevelure voyageuse.
J'ouvre, aime, respire. Plus rien ne contredit la présence enivrante du plan large, du flou bouillonnant où marche le chemin dans la prégnance des courses solaires. Et je prends de face une grande part de l'étoile et son lointain, ma bouteille à la mer en fond de poche, pleine jusqu'au point aveugle de songes dérivants.
Venue d'un visage (2)
L'effet papillon. Moi, le papillon en prise avec l'effet, elle et ses virgules d'apparence suspendues comme cils. Deux aiguilles me piquent, ligotent mes ailes, libèrent mes ailes, m'épinglent comme ailes, me couvent comme ailes. La forme est au fond un fond qui se sait forme.
Sur les multiples visages de la ville, les rouges pâles des joues demeure bien paisibles face à tout ce qui joue, se joue sur la courbe sanguine de tes lèvres.
Venue d'un visage (2)
Le rouge indépassable et l'arrêt forcément. Le sang bât son plein dans la couleur des regards, dans les craquements des pointillés du désir. Agitation et tout le tremblement de la gravitation élémentaire mais contenue de la fièvre. Nous, parce qu'il n'y a que nous, là, dans toutes ces petites éternités qui se suivent sans vouloir rien casser, en restons étrangement muets, étonnés, hésitants et profondément décidés.
Quelque chose me vient de la terre, un jaune clair issu du noir, un jaune maintenant soleil de l'empire des tunnels, du fer reptilien des galeries. Je suis emporté, serré dans mes liens amoureux tout neufs, ceux qui délient, ravivent. A l'intérieur file une sorte de train-machine, une grande tisseuse, un organe faussement digestif qui ne cesse de m'étonner et me séduire, fondateur d'un bonheur qui s'enracine. Je redeviens l'enfant se jouant de ses souterrains, de ses pulsions larvaires. Ma machine pulse, assemble, agrandit les images, son image surtout, son image seule, chrysalide émergente que ma lumière du jour polit de douceur.
Venue d'un visage (2)
Toi absente pour un temps, je tiens l'éloignement et son goût de fer de cisailles. Je tiens l'éloignement et ne peux le lâcher. Je le regarde croître jusqu'à masquer la vue, la perdre, la jeter dans cette grande ouverture. j'étouffe en embrassant un oxygène trop neuf, trop froid. Et j'attends la roue magnifique aux rayons aiguisés où se piquent les heures.
Comme la mélodie étrange, envoûtante et continue de mes songes posés contre les tiens, des ondes chaleureuses filtrent à mots couverts dans chacune de mes paroles adressée au monde. Le regard se répand, s'élargit, répond à tout par la lumière d'un oeil jeté en avant, décidé à saisir les flux incessants et les circulations rapides de ce qui tourne, retourne vers l'accord harmonieux entre les hommes. Les songes enlacés enlacent avec eux le reste du monde.
Venue d'un visage (2)
La musique glisse sous les paupières ; la chaleur a ton prénom, la chaleur est un son à la pente très douce. Ailleurs, plus loin, la foule sans visage, la ville granitique qui ronge trop les ongles, un futur qui tend ses rails et résonne en creux quand le poids des choses reste le poids des choses, infiniment redites, infiniment posées, infiniment finies.
Toi, moi, nous traversons comme l'humanité traverse, en poussant comme nous pouvons les courbes de douceur essentielle, les courbes de douceur parfaites, celles de toutes les clartés et des souffrances restreintes, presque éteintes. Nous traversons. L'espace alors se défend de dire les distances.