L'attente des fissures (16)
les voiles
évadées à perpétuité
elles débarquent sans crier gare
nous prennent dans leurs flancs
explorateurs grand large de nous-mêmes
longues courses entre nos pôles
entre nos joies déchirées ou non
nos pavillons noirs de chute et de colère
nos chimères
nos songes entre deux eaux
nos îles
nos regards battant
là où elles se réinventent
et épèlent le vent
les voiles parfois
meurent pour nous sauver
nous laissent
face à nos vies quotidiennes
sans rien imaginer
L'attente des fissures
villes obscures
sans tremblement
mais lèvres souvent closes
désirs égarés
au vécu magnétique
sur un web survolté
nous passons dans leur froideur d'hiver
hommes en végétation
dipôles organiques
pour d'un geste tendre
et pur
toujours inachevé
tenter d'électriser en nous les racines du monde
L'attente des fissures (17)
dans chaque profil de ville
le face à face blanc noir
la frontière qui tire droit sur la vue
mais l'écume
l'écume universelle
ce dialogue lancé sans point à la ligne
ce vol en réconciliation
ouverture qui resserre les mondes
l'écume de toute chose
brasse embrasse
souffle au front des visages
tous les vents toutes les mers
leur sensible rencontre
l'inestimable sans ombre
L'attente des fissures (18)
maître goudron aux villes perchées
plateau tournant au béton constructeur
maître goudron
ordre étouffeur de toutes les racines
face à toi
l'homme couché debout
ton empreinte collée à sa vie
marquage de froid gluant
plaie croûtée
de rupture et d'oubli de la terre
parfois
dans la froideur suante
la poussière rayonnante d'un éblouissement
la blancheur salvatrice d'un possible sourire
soulèvement intérieur
sans aucun règlement
un hymne terrien
brille là au dessus des esprits
phare tournant appelant par les yeux
les envies
et destins à construire